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30 juillet 2012 1 30 /07 /juillet /2012 21:08

De retour d'une très grande course. Ou plutôt d'un voyage dans l'immensité d'une grande face. 

Cette course j'ai eu l'occasion de la faire seul au jour de l'an 92/93. Je rentrais d'un voyage de 4 mois dans le désert algérien, partis pour descendre jusqu'en Guinée Konakri nous n'avions jamais pu passer au délà de la frontière Malienne. Manque d'expérience, situation géopolitique, bref après avoir tourner dans le désert pendant plusieurs semaines j'ai pris la décision de rentrer seul depuis Djanet en Stop. Arriver le jour de noël en France, je découvrais l'enfer du bordel inimaginable de la consommation autours de Noël. A cours de fric, je filais chez mon employeur préféré de l'époque "le vieux campeur" de Lyon. Au bout de 2 jours a ne pas comprendre ce que je faisais là dans ce monde de fou, je rentrais chez mes parents, bouclais mon sac avec une semaine de vivre, avertissais mon père que je partais aux Droites et fillais à Cham. Un voyage pour moi commencais loin des foulles, loin de la consommation à outrance, loin de la bétise de la société face à noël. J'ai adoré ces 4 jours au coeur de la face. Pas de speed, une météo béton et surtout l'envie d'aller doucement. Avec 20 ans de recul je ne me rappel que très peu de la voie et de ces passages techniques. Par contre je me rappel bien de ce que je pensais au fond de moi. A cet époque je pense que je n'étais bien que là haut et seul. En bas c'était une sorte d'enfer. 

 

Cela faisait quelques années que j'avais envie de revenir sur cet éperon. Revivre un peu ce que j'avais vécut. 

Avec Cati on avait parlé de l'Intégrale de Peuterey mais les orages du mardi soir nous motivais pas trop pour passer une nuit au sommet de la Noire. Finalement on a opté pour le "TOURNIER INTEGRALE". 

Mamat, Simon et JP sont de la partie. 

Voici le récit de JP :

 

Eperon Tournier Intégral - 25 au 27 juillet 2012
 
Nous voulions une course de grande ampleur. Nous voulions nous immerger en montagne. Nous voulions de l’intensité et partager des bons moments. Une belle météo est annoncée pour cette semaine avec toutefois des orages prévus le mardi soir. Nous évoquions l’intégrale de Peuterey, la voie des frères Schmidt en face nord du Cervin, la directe à la Meije mais c’est finalement l’éperon Tournier intégral en face nord des Droites que nous retenons. Nous, c’est un groupe qui se connait bien : 3 guides, Jean, Mamat et Simon qui ont l’habitude de travailler ensemble et 2 clients Cathy et moi qui partagent une même approche de la montagne et qui au fil des années avons quelques jolies courses ensemble.
 
Le mardi matin est dédié aux préparatifs : travail de l’itinéraire, recherche d’infos. Le refuge d’Argentière non joignable au téléphone ne facilite pas la tâche! Préparation et choix du matériel et de l’avitaillement (2 pique nique + 1 bivouac). Prendre le nécessaire, éliminer le superflu, le poids est le premier ennemi! Pas de stress mais concentration et efficacité pour cette phase essentielle de la course. Cette fois ci, je vais essayer de ne pas oublier mon baudrier!
 
Départ le mardi à 14 h de Servoz direction le refuge d’Argentière : La montée au refuge se fait dans les nuages et l’orage annoncé par météo France est bien là. On se félicite de ne pas être au sommet de la Noire. Accueil top au refuge, gardiens super sympas, diner excellent, le refuge rénové est top confort bravo le CAF! Une quinzaine de personnes au refuge. Une cordée espagnole a le même objectif mais envisage de sortir dans la journée. Ils prévoient de partir à 2H. Nous optons pour un départ 4H30 afin d’être au pied de la voie vers 6H30.
 
Mercredi : 1er jour d’ascension, 600 m d’escalade rocheuse jusqu’au “château” ou se trouve l’emplacement de bivouac. Cette partie me préoccupe. L’escalade est annoncée raide et exigeante. Je ne suis pas un très fort grimpeur et mes performances baissent sensiblement avec un sac de plus de plus de 10kg sur le dos. Bon, ça ne m’a pas empêché de dormir!
 
Au moment de partir, petit coup de stress pour Cathy : impossible de retrouver ses gants. Heureusement, le refuge vend de magnifiques gants en laine multi-couleurs...
 
Le ciel est un peu couvert et menaçant. En montant à l’attaque, on croise la cordée espagnole qui a renoncé. Super, on sera seul dans cette immense face. L’accès à la paroi est impressionnant mais passe bien. La première longueur dans un dièdre fissure est immédiatement un joli petit combat qui met dans l’ambiance. Je suis content, je passe sans trop d’effort. C’était important pour ma confiance! On arrive sur une vire confortable où on enfile les chaussons. Après une traversée facile, la paroi se redresse au dessus de nous et les longueurs s’enchainent. Aucune longueur n’est facile. Toutes ont au moins un ou deux pas exigeants. La plus remarquable est certainement une large fissure difficilement protégeable dans laquelle Mamat se met taquet, laissant échapper quelques exclamations! On atteint le château à 14H. On le contourne par la droite par une rampe de glace finement plaquée sur le rocher. Premier contact avec la glace et mise dans l’ambiance pour demain.
 
Nous découvrons l’emplacement prévu pour la nuit! Le petit collu qui doit nous permettre de nous installer est couvert de neige et plus étroit que prévu. Questionnement : Est ce mieux plus haut ? Faut il redescendre cette dernière longueur pour atteindre la grande dalle inclinée sous le château ? Finalement, on restera là. Jean s’engagera dans un terrassement de grande ampleur permettant à 3 d’entre nous de s’allonger et Mamat trouvera une plateforme pour 2 un peu plus haut. Je ne sais pas pourquoi, je m’attendais à un bivouac comme on en voit souvent en montagne : plat, avec un petit muret pour protéger du vent, top confort. Je ne suis pas déçu! On dormira dans nos duvets avec baudriers et casque sur la tête et chaussures au pied!
 
Au delà de son confort spartiate, ce bivouac est exceptionnel. Le soleil contourne la Verte et nous illumine jusqu’à 21h30. La vue est évidement incroyable. Nous voulions une immersion en montagne, nous ne sommes pas déçus: grande ambiance au milieu de cette face qui gronde de tout côté. Il fait chaud et la neige coule dans les faces.
 
Jeudi : 2ème jour, au programme les derniers 600 m en neige et glace. Jean nous avait prévenu : “ne minimiser pas le deuxième jour”. Comme il a raison!
 
La nuit passe vite, le sommeil est léger mais reposant, mon Thermarest percé n’aide pas au confort et je suis obligé de me retourner souvent en prenant soin de ne pas pousser Cathy dans le vide. Petit intermède pipi à 1 h : sportif et aérien. On attend 7h que le soleil nous éclaire pour sortir de nos duvets et préparer le petit déjeuner. On a monté mes céréales “fétiches” et essentielles à mon démarrage matinal.
 
La première longueur grimpe d’entrée de jeu. Mamat a posé une corde la veille pour permettre une remontée en grosse sans trop d’effort, sauf que pour le dernier il faut grimper et le dernier, c’est moi! Bon, ça va c’est finalement pas si dur et c’est un bon échauffement. La suite : les longueurs de glace et mixte s’enchainent, tantôt en traversée, tantôt vertical. C’est beau, la glace est bonne. On zig zag dans la face. On progresse toutefois peu en altitude, on gagne 200 m en 5 heures d’effort.
 
Etre le dernier à passer n’est pas toujours confortable. Les longueurs sont longues. Bien souvent, je n’aperçois plus Mamat. Les manips se font sans que l’on s’entende. Je pars souvent corde tendue avant que Mamat n’ait pu arriver à un relais. Heureusement, que nous avons l’habitude de grimper ensemble. De temps à autre, seul au relais, loin derrière dans cette face nord à l’ombre, lorsque la corde ne bouge plus pendant des minutes qui paraissent bien longues, j’ai quelques moments de “moins bien” surtout quand quelques morceaux de glaces de bonne taille débaroulent dans ma direction.
 
13H30, On retrouve Cathy, Simon et Jean. On s’arrête pour casser la croute. Il était temps! Plus de jus. Il faut se refaire, il reste 400 m avant la sortie et ça grimpe jusqu’au bout! Pas une seule longueur facile, concentration indispensable.
 
16H30, On débouche sur l’arête. Dans mon esprit, sous entendu, il s’agit de l’arête sommitale qui se parcourt corde tendue et qui permet d’accéder au sommet en moins d’une heure. Un coup d’œil à l’altimètre et un regard vers ce qui nous entoure ne laissent pas de doute : il reste 200 m techniques pour atteindre le sommet. Mamat disparait pour la première longueur de l’arête et après une vingtaine de mètre de corde, plus rien ne bouge pendant un long moment. Je comprendrai pourquoi plus tard. Le passage est délicat, monte, descend puis remonte. Mamat a essayé d’un côté puis de l’autre. Bon gros moment de doute!
 
Les heures défilent sans que l’on voit le temps passer. Nous sommes sereins, le temps est beau, pas d’orage en vue. On sortira quand on sortira. Plus rien à manger mais de quoi bivouaquer. Pas de stress, pas de speed pour sortir avant l’orage, seul le plaisir de progresser avec efficacité. Un passage déversant et impressionnant où je me mets taquet et qui me fait brailler une insanité peu respectueuse pour cette face majestueuse. J’ai honte et me confond en excuse!!! Dernier passage surplombant, dernier ramonage, l’arête neigeuse qui donne accès au sommet est en vue et à portée de corde.
 
20H15, sommet. Un grand cri s’entend qui vient de très très loin en bas. Ce sont les gardiens du refuges qui ont suivi notre progression et, nous voyant sortir au sommet, ont organisé une petite ovation! Trop cool! SMS, coup de téléphone, envoi de photos du sommet... Petit casse croute. La descente s’annonce longue. 7 rappels décalés et pas faciles à enchainer pour rejoindre la pente de neige sous la tour des courtes.  A partir du deuxième rappel, il fait nuit noire. J’admire le sens de l’itinéraire de Jean qui parvient sans trop de mal à trouver les relais. On perd 300 m, il en reste 700 à parcourir à pied dans une pente à 30° et dans une neige pourrie. Simsim fait une belle trace devant et nous montre l’itinéraire. La sortie n’est pas simple à trouver. Là encore, le sens de l’itinéraire et la connaissance des lieux de nos guides nous amènent comme par enchantement à une corde fixe qui nous permet de passer la rimaye et sortir. Il est plus de minuit quand nous retirons les crampons et commençons à progresser en direction du refuge du Couvercle. Après quelques hésitations sur l’itinéraire et pour Sim et moi avoir considéré poser un bivouac sur la moraine, nous atteignons le refuge du Couvercle. Il est 3H00! Coca, bières, fromage nous attendent. Nous sommes heureux et excités! Les cordées qui se lèvent hallucinent de nous voir! Coucher 4H00!
 
7H00 : Réveil et debout sans trop de douleur ni de difficulté pour émerger. C’est incroyable. Le retour jusqu’au Montenvers déroule et permet de décompresser tranquillement. Enfin, on peut papoter en marchant.
 
C’est la première fois que je réalise une course de ce niveau. Même en second, la technicité des longueurs de rocher et de glace, le confort sommaire du bivouac, la durée de la course, l’immensité de cette face nord qui gronde en permanence en font une aventure exigeante physiquement et moralement. Grace à l’attention de Mamat, Jean et Simsim et l’énergie et la bonne humeur de Cathy, J’ai adoré cette grande course qui a été un réel plaisir. Elle conclut magnifiquement ces deux semaines de montagne.
Voici quelques photos n'hésitez pas à aller voir l'album de photos. 
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L'éperon vu depuis le refuge d'Argentière
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Première longueur - Premier dièdre pas si facile
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çà Déroule un peu plus
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Le combat dans cette fissure bien large
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La belle tour qui grimpe
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Pas une longueur à jeter. 
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Simsim au relais
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Cati qui sert les prises
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Peu avant le chateau
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Raide !!
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On remet les crampons pour contourner le chateau
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L'emplacement de bivouac un peu moisi
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Un peu de terrassement !!!
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Pendant que Mamat et Simsim vont équiper la première longueur du lendemain
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La longueur soit disant clef du Tournier classique
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Soupe crevette / soupe tomate puis graine de couscous avant un petit granola
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Bon va falloir dormir maintenant. Sagit pas de rouler sur le côté. 
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C'est quoi ce regard Cati. Tu veux enlever ton casque ? NON NON
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Lever de soleil sur la Verte
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Frisquait au réveil
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2ème longueur en placage
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C'est grand c'est beau
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Cheminement en glace
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Enfin l'arête mais pas sommitale
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La longue chevauchée
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Le jour baisse et il reste encore quelques centaines de mètres. 
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Les derniers mètres avant le sommet
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Un grand merci au gardiens du refuge d'Argentière. Vous êtes top ne changez rien. Pour moi vous êtes dans le top five des meilleurs refuges. 
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Cati                Jean-Pierre          Mamat            Simon                     Jean

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commentaires

S
Salut<br /> Nous on n'avait pas pu monter au sommet, bivouac sous l'orage, puis descente par le couloir Tournier avec les chutes de pierres. <br /> Toutefois un grand souvenir ! La nostalgie enfle avec l'âge...<br /> C'est bien de revoir des photos, même si je ne suis pas sûr qu'on soit passé aux mêmes endroits. <br /> Evidemment je m'en tape. <br /> Amitiés
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