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25 juillet 2023 2 25 /07 /juillet /2023 12:00

- Le temps d’une arête des Hirondelles –

 

Il y a le temps qu’il fait ?

il y a le temps faut pour crapahuter ?

Mais il y a aussi l’autre temps – le temps des premières tentatives.

 

Franz Lochmatter auteur de la Ryan, Angelo Dibona « el guida » des Dolomites auteur du Bastion à la Meije, Joseph Knubel de la fissure au Grépon, Laurent Croux le guide du Duc des Abruzzes, tous ces guides ont tenté plusieurs fois les Hirondelles dans les premières années du siècle. Le mur face à la brèche en V les repoussait. Pourtant ces grands guides ont la passion d’ouvrir. Ils cherchent à gravir les longues arêtes des sommets avec leur clients. Leur liste de premières remplit les plus belles pages de l’histoire du métier. Chacun se consacre à ses clients mais certains comme Franz et Joseph sont aussi copains du même village, Saint Nicolas dans le Valais. Leur histoire ancestrale mêle le Valais et la vallée d’Aoste.

 

Ironie ou clin d’œil des conquêtes surprenantes, c’est à la descente que le premier parcours de cette arête au Jorasses est effectué.

 

Au début de ce mois d’Aout 1911, Joseph Knubel enchaine 4 grandes premières en 10 jours. Une histoire que l’on connait peu mais qui a de quoi impressionner n’importe quel guide et alpiniste d’aujourd’hui.

Imaginez : le 9, depuis le refuge Quintino Sella il fait la première de l’arête du brouillard avec 3 clients (étais-ce bien raisonnable messieurs les législateur de la loi valdotaine sur le nombre de client par course), le 11 il monte au sommet des Jorasses et descend par l’arête des Hirondelles avec 2 des mêmes clients (il lui fallut descendre du Mont-blanc – rejoindre le Val Ferret – monter au bivouac Whymper qui deviendra le ref Bocallatte – gravir les Jorasses et descendre les Hirondelles … une bonne bambée), mais pas fatigué le 14 il s’associe avec Laurent Croux pour l’arête Rochefort-Jorasses (descendre dans le Val Ferret – remonter au col du Géant pour bivouaquer ou se situe le refuge Torino - et traverser les arêtes de Rochefort jusqu’aux Jorasses). Enfin le 19 avec le guide Henri Brocherel il gravit le Grépon par le versant mer de glace avec cette fissure au coincement improbable de piolet comme final.

 

Toutes ces ascensions Joseph Knubel les a faites avec les même clients H.O Jones et G.W Young. Qu’est-ce qu’ils avaient comme chance d’avoir Knubel comme guide !

 

Serai-je capable de faire cela aujourd’hui ? Peut-être, mais surement pas avec l’équipement d’époque. Je sais que mon ami le maestro des Pyrénées Rémi Thivel a enchainé ce début juillet, l’arête des Hirondelles – le pilier Sud du Grand Drus – le pilier du Freney en une semaine. Quelle belle enchainement ! Un clin d’œil sans le savoir, à l’histoire de ces grands guides assoiffés de moments là-haut. Et dans ce cheminement je ne peux que me retrouver dans ce temps passer là-haut. Ce gout d’être bien au long cours dans ces amas de roches plus ou moins stables. Cette passion des instants autant de froid que de doute que de lumière qui se crée au fil des heures. Guide c’est avant tout aimer çà. Se fondre dans les immenses murailles non pas pour être vite en haut vite en bas mais pour ce temps passer là-haut avec nos compagnons de route.

 

La première à la montée de l’arête des Hirondelles revient à Adolphe Rey, fils du mal aimé grand guide Émile Rey. Au-dessus de la brèche en V, il réussit à forcer cette fissure en ne plantant que 3 pitons. Ces 3 pitons furent la clef. Pendant les tentatives précédentes ils n’avaient pas de pitons. Quand je me suis retrouvé au pied de la fissure avec mes 6 friends, mes 6 dégaines et ma corde au doux nom d’opéra j’étais confiant mais bien ridicule en me rappelant la détermination que devait avoir d’Adolphe Rey. Les feuillets du début, raide voir déversant sont plaisant à gravir. On tire et sa monte. La fin de la fissure, avant d’attraper la marche salvatrice marquant la fin des difficultés, est un dièdre haut de 5 mètres ou seule une fine fissure permet d’y glisser un ball nuts n°1. Le dos appuyé à la paroi de gauche, le pied droit cherchant le mauvais graton, le genou gauche raclant le fond du dièdre avec le pied pendant lamentablement, je poussais d’une main dans mon dos et ahanais comme un phoque échoué sur une plage de granit trop chaude. Mais quelle élégance ! Quand ma main gauche a chopé la marche, j’ai souris et j’ai surtout eu un énorme sentiment d’admiration pour celui qui était passé là en premier. Pour moi c’était la 2ème fois. La dernière c’était il y a 32ans. Le temps m’a fait oublier ce passage mais je crois que j’étais plus agile.    

 

« Gagner le Col des Hirondelles (3480m), soit depuis le refuge-bivouac Gervasutti (2870m). 3h soit … »

Il n’y a plus de soit aujourd’hui. L’option depuis le ref de Leschaux ne se fait plus car bien trop dangereuse. Pourtant c’était par là que j’étais monté au col il y a 32 ans. Aujourd’hui, depuis le bivouac Gervasutti, si nous voulons être au lever de jour à l’attaque, il nous faut partir à 2h et donc nous lever à 1H.

 

00h58, la maudite sonnerie Valley de mon téléphone me sort de mes quelques minutes d’endormissement. Que les nuits sont courtes pour ces courses. Bruno bondit, il est prêt. Walter, d’une nonchalance gracieuse pli ces couvertures et Sim roupille. Seule l’odeur du café pourra le sortir de sa torpeur. Simon fait partis des grands guides qui m’impressionne au fil des années. L’inquiétude « classique » des veilles de course glisse sur lui et la clope au réveil fait partis de sa vie. Plus il avance dans les années mieux il grimpe. Quand certains se demande où ils n’ont pas mal, lui souris.

 

Le glacier de Frébouze est un billard. Je me rappelle cette descente, un 25 octobre, après l’ascension du Linceul, nous avions pris l’option de rallier Gervasutti plutôt que de rejoindre le sommet. De nuit le glacier avait été un cauchemar. Aujourd’hui, dans cette nuit noire qui pourrait faire douter, les pieds montent et le cheminement est si simple qu’en 1h et demi nous nous retrouvons à une centaine de mètres sous le col. Comme le vent du NW est annoncé un peu fort, rejoindre le col serait se mettre volontairement dans la soufflerie qui plus est de nuit. Assis sur le sac nous sortons le réchaud pour nous faire un « mauvais » thé. Simon fume, Walter dortmille, Bruno sirote et moi je pense. Une petite lumière éclaire le refuge Bonatti. Emmitouflé dans la doudoune je suis bien de ce moment d’attente. Ce temps qui s’arrête à un moment inattendu.  

 

Les 150 premiers mètres de cette arête sont tous sauf à conseiller même à son pire ennemis. On gravit des empilements de roches qui vibrent, parfois certaines bougent et c’est franchement très douteux. Je me demande si je devais revenir si je n’essayerai pas de passer par l’itinéraire que nous avions emprunté pour aller à la Gervasutti en face Est. Rejoindre le cirque par l’arête de gauche du triangle et remonter le couloir sous la brèche en V.

 

13h nous sommes au sommet. Les empilements d’assiettes se sont succédé. La variante de droite au sortis de la fissure Rey a eu notre préférence pour éviter le dégueuloir à pierre et le rocher était beau. Plus haut la lenteur et la grâce furent de mise pour ne pas faire descendre toute la montagne dans la traversée vers l’arête du Tronchey. Maudit sont ces pieds qui raclent. Et puis la neige est arrivée et sa pointe Walker. La pente au soleil et cette corniche qui plonge dans la face Nord. Il y a 33 ans Bruno sortais de l’éperon Walker. Avec Simon la dernière fois c’était il y a 3 ans. Mais aussi il y a 20 ans et même il y a 34 ans. L’année dernière nous arrivions de Canzio. Chaque fois que je remonte sur ce sommet, quel que soit l’itinéraire je me demande si j’aurai encore la chance d’y revenir. Alors en entament la longue descente j’espère … 

 

 

Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
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Arete des Hirondelles - Grandes Jorasses
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