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1 mai 2023 1 01 /05 /mai /2023 06:06
Traversée Cabane de Valsorey - Zermatt : Crossing in one go - ou alors one shot
L’année dernière, en rentrant de la traversée du Wilstrubel « one shot » j’écrivais :
« Je reviens en me disant que skier la nuit est un moment unique, incroyable, immense mais qui demande d’être exigeant envers soi et ses compagnon »
 

 

Aujourd’hui je rentre d’un nouveau périple aussi absurde que passionnant. Skier toute les heures de la journée pour rallier deux points d’un massif. Une traversée entre la cabane de Valsorey et Zermatt en partant de Bourg St Pierre. Un one shoot, comme une injection direct qui diffuse au fil des heures sa substance. Une équipe qui a envie, qui se sert les uns contre les autres dans les moments durs, qui se tire pour avancer. Aucune envie de calcul de temps, aucune envie de comparaison à une activité avec un dossard, juste s’immerger longtemps dans la montagne avec des compagnons qui ont se plaisir.
Et pour cette édition se ne sont pas des compagnons mais des drôles de dames avec qui le projet c’est réalisé. Virginie et Anne. « Companeronne » de la Grande Traversée des Alpes mais surtout aventureuses de nombreux voyages et escapades alpines.
Une alsacienne et un montpelliéraine. Alliance du Nord et du Sud ! va savoir ce que cela va donner. Manquerai plus que moi le Chirve de la vallée de Chamonix fasse la médiation. La distance ne leur fait pas peur, la longueur en altitude un tant soit peu. Pour elles, l’optimisation n’est pas dans le matériel mais dans la volonté. A quelques jours du départ des doutes sur cette météo si changeante nous fait hésiter. Rémi Thivel et Yokoyama Kaoli ont fait cette traversée la semaine précédente. Les conditions étaient parfaites. Qu’en sera-t-il pour nous ? Finalement nous décidons de tenter en partant à minuit vingt-quatre de Valsorey.
Il est 2:25, la nuit est noire, le petit croissant de lune s’est caché à l’Ouest quand nous avons passé le plateau du couloir. Je lève la tête et là, dans la rafale de vent qui soulève des volutes de neige poudreuse, ma frontale n’éclaire plus que les cristaux de neige qui vole. Comme une pluie d’étoile, le ciel c’est transformé en myriade d’étincèles. Impossible de voir ou aller, de deviner les traces passées. Mes yeux cherchent mais seul le scintillement éclabousse mes pupilles dilatées. Quel moment féérique. Nous sommes là, au pied du grand Combin, enfoui dans nos doudounes trop légères, à chercher la direction du col du Sonadon et le temps nous pose dans ce spectacle en attendant que le vent se calme.
Les derniers virages en poudreuse nous ont poussé au fond de la gorge non loin de la cabane de Chanrion. La nuit est encore noire mais on sent une légère clarté au fond de la gorge. Stopper, déchausser puis repeauter… j’ai faim. Mon ventre gargouille et je mangerai un gosse, voire une femme. Suis pas sûr que Virginie ou Anne soit d’accord. Alors je me rue sur le petit pain au lait fourré au kiri - jambon sans goût. 4. Il m’en reste 4. Je crois que je serai prêt à tous les engloutir. Que c’est dur de se refreiner quand dans de ce projet de ski tous pousse à être boulimique. Skier, re-skier, pousser, re-pousser sur les bâtons puis skier re-skier. Mais manger Non. Juste picorer. Je prie pour que Anne ne mange pas tous ces petits pains au lait. Et puis cette pipette qui a gelé. J’ai beau la regarder, la sucer j’ai toujours cette tétine à glace dans la bouche. Quelle misère.
Mes yeux collent, ma mâchoire se tend, je dodeline de la tête et mes skis avancent. Je ne sais pas comment fait mon corps quand ma tête ne le commande plus. Cela fait un moment que je rêve de dormir. Au lever du jour, le froid est arrivé comme une bassine d’eau glacée que l’on nous verserait sur la tête. Petit filet d’air froid, il s’est insinué le long de mon col. J’ai refermé la veste, remonté le buff sur la tête et accéléré en espérant faire revenir cette chaleur dont j’ai tant envie. Les pas se sont allongés, le jour est monté. Sur le versant des portons, au-dessus de ce maudit glacier interminable d’Ottema le soleil est apparu. Mais nous en bas, tel des besogneux on se caillait. C’est bizarre de faire se que l’on exalte tout en avançant comment des mineurs qui sortiraient de la mine. On est bien des malades du plaisirs impossible à atteindre. J’ai rentré la tête dans les épaule, gardé les bâtons droit pour ne pas les descendre et laissé l’air se glisser le long de mon cou. Et puis je me suis endormi. Rien peut-être une seconde mais quel horreur. J’ai piétiné, trébuché en croisant mes spatules mais suis resté debout. Ce maudit glacier, cet enfer blanc tout plat et infini me tire dans les méandre du sommeil. Ce froid, cette lumière blafarde, ce blanc interminable, ce silence infini… comment résister. Dix pas en fermant les yeux, cela doit être possible….j’essaye…ça fonctionne… je tente vingt pas … je réouvre les yeux, un trou dans le glacier est devant moi. Mais quel abrutis… 3 pas de plus et je plongeais. L’adrénaline m’a réveillé. Fini le rêvassement.
Le col de l’évêque est là, j’ai un petit crépitement au fond de moi. Il y a des chances que cela fasse. Anne a peiné dans la dernière montée mais l’arrivée des rayons de soleil, tel une injection de vitamine sur le visage à détendu pour recharger. Virginie impassible dans l’effort avance tranquillement. Le col du Mont Brûlé est là, ces marches immenses impose l’élan surtout pour les courtes sur pattes. Moi je savoure. Presque 12h que nous skions et il en reste encore …
Derrière c’est l’escapade en Italie. Comme des voleurs de soleil nous sommes passé versant Sud. Au col le vent c’est éteint. Est-ce dû au nom du col, Brûlé, que nos peaux commencent à rôtir. Les géographes ont-ils choisi le nom par expérience ? Va savoir. Par une glissade scabreuse en traversée ou l’appuis sur la jambe aval flottant au gré des vagues du terrain perturbe le regard visser sur le col de Valpelline au loin. Le denier, celui derrière lequel il suffira de se laisser glisser sous le Toblerone. La chaleur étoufante a explosé sous nos couches laissant remontée la macération des heures. Comme la soupape d’une cocotte nous avons littéralement arraché nos vêtements pour virer nos collants. On aurait presque continué en culotte et caleçon si la pudeur nous avait retenu. Je n’aurai pas détesté faire un pied de nez au Héliskieur de la tête de Valpelline en débarquant sur le drop zone dans cette attirail aussi peu conventionnel du standing Zermattois. Mais à cette heure ils sont déjà au spa un mauvais spritz à la main. Pas à pas le col de Valpelline c’est dessiné au-devant nos spatules. Je savais que derrière plus rien ne sera comme les heures d’avant. Si Anne, Virginie rêvaient de cette fin, moi pas. Je n’aime pas les fins et là-haut il était dur pour moi de regarder vers cette ville si peu montagnarde qu’est Zermatt.
Et pourtant nous y sommes allés et même passé une nuit. Après cette besogneuse traversée sous le Cervin, cette errance dans le mélézins puis cette infernale piste illogique, cette langue de neige descendant de Furi nous sommes arrivé à Zermatt. Heureux, un peu fier et rêvant d’une « gross bier » accompagnée d’une entrecôte après avoir viré ces maudites chaussures. Des plaisirs presque simple.
Quelques jours après cette traversée je ne rêve que de repartir. Il y a tant de traversée à inventer pour passer des heures immergé dans la montagne…vivement la prochaine.
Merci Virginie et Anne de m’avoir fait confiance.
Valsorey - Zermatt --> one Shot !!!
Valsorey - Zermatt --> one Shot !!!
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