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17 juillet 2022 7 17 /07 /juillet /2022 17:16

Voyage au bout des Jorasses – le gout des rencontres sur les arêtes

 

Canzio - mercredi 13 juillet - 10h21 du matin.

J’ai froid et c’est un comble. En bas il fait une chaleur à cuire une semelle de chaussure rien qu’en effleurant le goudron et là-haut je grelotte. Avec Simon, Loic et Anne, nous sommes emmitouflés dans nos doudounes, buff, bonnet et gants. Depuis la Dent du Géant j’ai tout mis sur moi. Au petit jour j’ai cru que ces heures glaciales seraient un court moment et que rapidement nous reviendrons au plaisir de la grimpe en carline, mains nues sur la roche rugueuse. Mais non. L’arête s’est déroulée sous nos crampons et nous n’avons rien enlevé. Même nous avons accéléré pour espérer se réchauffer. Le soleil pointant son nez derrière les Jorasses, nous a fait espérer une sensation de chaleur. Si peu. 

Au sommet de la cime est du dôme de Rochefort, le bivouac Canzio nous faisait de l’œil. Une espérance de se poser pour quelques minutes et avaler un thé chaud.

 

Il n’a pas changé depuis la dernière fois. Sa peinture verte me pose des questions. Pourquoi ? mais pourquoi pas ! Ce n’est ni beau ni vilain. Juste bizarre dans cet environnement. Surplus de peinture ? Cadeau d’un fournisseur ? Pour nous peu importe. L’essentiel est de fuir se léger vent du Nord pour se mettre sous les couvertures. En poussant la porte, je rigole au fond de moi. Nous sommes en plein mois de juillet, en pleine canicule par grand beau temps et nous rêvons de nous mettre sous trois tonnes de couvertures. Nous sommes bien des piètres alpinistes estivaux. Il y a bien longtemps, en plein hiver nous venions errer sur ces arêtes en sortant d’une face nord. On fumait des clopes sans gants, on rigolait des heures passées au relai en pestant pourquoi celui devant n’avançait pas plus vite. Le froid n’existait pas. Mais peut-être bien que je l’aie oublié cette sensation pour ne garder que le bien.

 

Les heures passent. Les thés s’enchainent. Vers 14h il y a Fred et Benjamin qui arrivent des Hirondelles. Mais avant ils étaient aux Petites Jorasses en arrivant de l’aiguille de Leschaux depuis la pointe Isabelle. Un périple commencé depuis 5 jours par l’arête de Bochard, l’arête des Grands Montet à la Verte, la Grande Rocheuse, les Droites, les courtes et tous ces tas de cailloux effilés qui font la couronne des bassins de la mer de glace. Ils semblent tous frais et même si Fred se plaint de ces mains je me demande comment elles peuvent être encore aussi peu abimer après autant de kilomètres de pierre déplacé. Ils ont la jeunesse dans leur sourire, l’insouciance de la grimpe en pleine saison d’été ou beaucoup de guide entasse leur maigre billet sous leur matelas à chaque course gravit. Eux, leur plaisir est dans cette errance au long cours. Demain je les regarderai grimper la calotte de Rochefort. Sans précipitation, sans fureur mais avec efficacité tel des super Marios dans un jeu vidéo, ils avancent au fil des fissures sans hésitation. C’est beau à voir et donne la sensation que la montagne se parcours plus qu’elle ne se gravit.

 

Quelques temps avant quatre lurons ont débarqué au bivouac. L’un semblait usé. Est-ce par le froid ? le soleil ? Allongé sur le bat-flanc, sa respiration est saccadée. Ces copains se pose la question s’il récupérera pour demain. Son mal de tête est tenace et l’envie de vomir pressante. Les minutes passent. La présence de monde incite à l’insouciance. On parle de tout et de rien. Surtout de rien. Plus les heures avancent plus avec Simon nous comprenons qu’il n’y a pas de sens à aller dormir sous la Marguerite pour simplement se cailler sous les étoiles. Le réveil sera lent, dur et surement pas goûtu. Nous sommes 4 et un emplacement pour dormir proche les uns des autres est quasiment inexistant avant la Whymper. Cela nous va bien de rester à Canzio. Mais il ne faudrait pas que d’autres personnes arrivent. Encore que !!! S’entasser c’est le plaisir d’être ensemble.

 

Pour le jeune grimpeur, la souffrance d’altitude s’empire, je propose que l’on appelle le « PG ». Il me semble qu’il est urgent qu’il descende. Et plutôt rapidement. Une demi-heure plus tard l’hélico sort les 4 alpinistes. La sortie de leur ami les a fait douter de leur capacité à continuer. Un moment de discussion pas simple pour eux. Topo, récits, réseaux… surement un peu des tous cela les a incités à se lancer dans cette course ou l’engagement n’est pas à négliger.

 

Et puis plus tard arrive un joli trio. Elles sont là emmitouflées dans leur goretex orange, violet, bleu. Alexia, Nathalie et Aurélia.  

 

Ce soir c’est un vrai melting pot dans ce petit bivouac de Canzio. Assis sur les dalles de granit il y a le duo Benjamin, guide à la Grave et Fred le plus chamoniard des guides des « Ecrins prestige ». Il y a  la team Aurelia, Aspirant-guide en passe de finir son diplôme, talentueuse skieuse de haute altitude avec Alexia, celles qui était fast and furious autant de l’âge d’or de la Pierra Menta et Nathalie et son large sourire. Et puis dans notre quatuor, mon ami Sim, le guide discret du Vercors ou son talent de grimpeur s’associe à son œil incroyable derrière son appareil Sony. Il y a Loic, le plus bel aubergiste de Lyon et ses réflexions sur le faire ensemble et il y a Anne qui nous emmène à travers les histoires de sa famille dans l’entraide portée aux quatre coins du monde. Derrière toutes ces personnes, il y a surtout des belles personnes pimpantes d’envies de grimper et de passer du temps là-haut. Ça rigole, sa fume des clopes…manquerai presque une ou deux bières.

 

Demain le réveil sonnera et il sera temps de laisser Fred et Benjamin rejoindre Torino pour continuer leur chevauchée. Nous, nous partons tôt pour se laisser le temps d’apprécier chaque passage sans précipitation. La belle team nous rattrapera sous la pointe whymper.

 

A la première longueur de la Young, Loic redécouvre les sensations de grimpe. Chaque pas éteint son doute sur la possibilité d’y arriver, mais ces pas gravis lui permettent aussi de se rendre compte qu’il ne savait pas vraiment dans quoi il s’embarquait. Je suis médusé de cette capacité à se laisser emmener dans un projet aussi long. Lui meneur de tant de personne, lui qui donne du sens même au plus petit emploi dans ces hôtels en planifiant, préparant, anticipant et responsabilisant. Aujourd’hui il se laisse guider tout en donnant le meilleur de lui. Un grand sens de l’abnégation de qui il est pour se mettre au service de la réussite de cette ascension. Anne discrète, agile, grimpe. On ne l’entend pas et pourtant elle avance. Quand il s’agit de désescalader une pointe et qu’elle est devant pour trouver les emplacements de relai, il n’y a pas de doute.

 

Nos mains ont empoigné les prises pour grimper, désescalader, assurer et parfois descendre en rappel :

La pointe Young et ces longueurs fines dans la nuit pas tout à fait noire.

La pointe Marguerite par ce couloir graveleux en sud ou l’on découvrira un sac remplit de duvet et matelas mais aussi par sa descente vertigineuse ou la vue se trouble quand l’esprit se concentre.

La courte pointe Hélène et ses piles d’assiettes bien incertaines

La pointe Croz qui impose car c’est le moment ou l’arête devient massive. Quelques traces sortant de la face Nord me poseront la question, qui a osé par ces temps ?

Et la pointe Whymper qui es tout sauf une pointe. Un joli lieu pour dormir et décoller au petit jour.

La pointe Walker restera là-bas. Nous n’irons pas.

Une belle continuité parfois gazeuse, parfois impressionnante mais jamais vraiment « débonnaire ».

J’adore monter aux Jorasses. Je ne sais combien de fois je suis allé là-haut mais chaque fois que je quitte le sommet je me demande si j’aurai encore la chance d’y retourner.

 

Au sommet une autre course commence. Bien conscient qu’entre l’éperon Whymper et celui du reposoir, les pierres ont tendances à fuser en fin d’après-midi, avec Simon nous avons envisagé de nous poser en haut des petits rappels du premier éperon. Mais en Arrivant l’emplacement est petit. En 2019, en sortant de la Walker nous nous étions posés sur cette petite terrasse. Mais il était 23h et nous avions que quelques heures à attendre. Aujourd’hui il est 16h et les pierres ne fusent pas tellement. Elles se laissent arrêter par la neige mole au-dessus de la trace. Alors nous filons. La traversée est facile et me déconcerte. Je m’attendais à une pente de glace scabreuse. Au sommet du reposoir, il y a de quoi dormir facilement à 4. Aurelia, Alexia et Nathalie nous propose de descendre un peu pour trouver un emplacement pour bivouaquer à sept pour une soirée ensemble sous les étoiles. C’est une belle idée. La lune devrait être pleine ce soir. Mais plus bas les emplacements ressemblent tous sauf à un lieu pour s’allonger. Avec Simon nous grattons, déplaçons des blocs. Nous essayons d’imaginer comment se caler entre les blocs à 4. Le temps passe et ne sachant pas que sera la suite nous mangeons tous ce qui nous reste. Un peu de thé, un peu de couscous, un peu de chocolat. Chacun pense à la même chose mais n’ose le dire.

Pourquoi rester là alors que peut-être plus bas sera plus confort ? Finalement à 21h nous décidons de descendre et rejoindre Boccallatte. Le glacier me surprend car il passe très bien. Est-ce dû à la nuit qui tombe comme on éteins la lumière au pied des rochers Whymper ? Je ne sais pas mais la descente est facile et assez rapide. Les dalles en sortant de la neige auront notre attirance pour « roncailler » le reste de la nuit tout en admirant la pleine lune.

 

Demain nous redescendrons dans les senteurs montantes des rhodos, des chardons bleus. Nos genoux seront lourds quand nos yeux encore empreint de la nuit en pointillée se rappelleront les instants sur cette si belle arête. Apaisé de ces moments vécus, le val Ferret terre de mon enfance nous attirera pour une halte paisible dans le hameau de Lavachey.    

 

Voici quelques images de ces moments croquer.   

 

Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
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Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
Voyage au bout des Jorasses
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